Sommaire de l'article
La fin des passoires thermiques promise par Emmanuel Macron semblait devoir se faire en force pour répondre à l’urgence climatique. Il était même question de consigner jusqu’à 5% du prix de vente d’un logement énergivore pour contraindre les bailleurs rebelles. Mais contre toute attente, le projet débattu et agréé en première lecture par le parlement le 28 juin dernier cherche visiblement l’apaisement. Report ou annulation des mesures coercitives, mise en œuvre plus progressive en 3 temps. Le gouvernement a clairement adouci la position des parlementaires dans le projet de loi-Energie-Climat final; Qu’est ce qui change; Vrai recul ou tactique politique ?
Un projet initial très coercitif et controversé
La Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire (CDDAT) avait récemment proposé 3 mesures jugées « chocs » et assez coercitives pour être incluses dans le projet de loi Energie-Climat.
Ø Les logements de classe énergétique F et G interdits de location à compter de 2025
Ø Une consignation obligatoire d’une partie du prix de vente pour financer une rénovation thermique de classe E
Ø Le classement des logements les plus énergivores en logement indécents
Le sentiment d’urgence qui transpirait derrières ces propositions n’avait en fait rien de surprenant.
Ø les 7 millions de passoires thermiques représenteraient 45% des consommations d’énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre.
Ø Il ne reste que 6 ans seulement pour tenir la promesse du candidat macron « d’éradiquer les passoires thermiques » en 2025;
Ø L’efficacité des seuls dispositifs incitatifs n’est pas démontrée. Selon une étude de l’Ademe, 75 % des travaux de rénovation énergétique n’ont pas permis aux maisons individuelles de changer de classe de performance énergétique.
La commission économique avait apporté sa dose d’amendements supplémentaires avant la présentation en première lecture au parlement.
Fin des passoires thermiques en 3 temps : incitation, obligation, contraintes.
Effet Gilets Jaunes ou lobbying de la profession immobilière ? Peur d’un blocage du marché locatif ou simple pragmatisme ? Sans doute un peu de tout ça…. Mais quelles que soient les raisons, le changement de tactique est patent.
Le ministre De Rugy annonce une action en 3 phases :
1-incitation 2019-2022
2-obligation 2023-2027
3-contrainte : 2028 et au delà
La coercition attendra donc…mais reviendra progressivement à l’horizon 2023 (les obligations), pour s’imposer si besoin dès 2028 (les « mécanismes contraignants ») dans des formes qu’il est évidemment urgent de ne pas préciser.
D’ici là, place à l’incitation. D’une part les aides à la rénovation thermique qu’il est prévu de remettre à plat (mais pour quand ?). D’autre part, et surtout, une obligation d’information (cf infra).
Fin de la consignation forcée à la vente
C’est sans doute le changement le plus important. Le projet de mise sous séquestre d’un montant maximum de 5% du prix de vente, à fins de rénovation thermique, est abandonné.
L’idée même d’une expérimentation de 2 ans en zone tendue, proposée par la commission économique, a été abandonnée. Officiellement il s’agit de ménager les propriétaires supposés modestes des logements énergivores.
Il faut dire qu’en l’état cette consignation avait des allures d’ « impôt thermique » sans en avoir les avantages, voire même avec des difficultés supplémentaires. Impôt car c’est à quoi s’assimile finalement un prélèvement obligatoire qu’on ne dépense pas soi même. Sans les avantages car la ré allocation individuelle de la somme ne permet aucune optimisation collective. L’idée même d’une consignation correspondant au « travaux nécessaires pour atteindre un niveau de performance énergétique correspondant à une consommation de […catégorie E] » laissait augurer de sérieuses difficultés dans l’application pratique… Sans oublier les questions de délais et/ou de désaccord propres aux situations de copropriété.
Inutile de dire que la réaction de la profession fut forte. La FNAIM a même osé le mot « confiscation ».
Plus globalement l’ensemble des « mécanismes contraignants » a été reporté à la programmation quinquennale de l’énergie de 2023. Mais rien ne dit qu’à cette date la coercition en cas de vente ne puisse pas renaître de ses cendres.
Location progressivement contrainte puis interdite à l’horizon 2023-2028
Le processus se ferait lui aussi en trois temps.
Ø 20019-2021 : Location sous contrainte : pas d’augmentation de loyer si pas de rénovation. Dans les 3 prochaines années il serait donc possible de louer sans rénover mais avec comme contrepartie un loyer bloqué au changement de locataire.
Ø 2023-2027 : les passoires thermiques indécentes interdites à la location
Énergivore n’équivaut pas forcément à indécent. Mais on peut supposer qu’un contexte d’ indécence soit propice à une surconsommation énergétique caractérisée. Les logements indécents pourraient donc être le foyer des pires passoires thermiques. En faire une cible prioritaire a donc du sens.
Mais qu’est ce qu’une passoire thermique indécente ? Le critère de performance énergétique minimale en vigueur depuis janvier 2018 s’avère de facto inexploitable. Car curieusement, la décence énergétique a été définie par les moyens du confort thermique (aération, étanchéité) plutôt que par le résultat d’une consommation à obtenir. Un seuil chiffré devrait donc être décidé d’ici 2023 pour trier le décent de l’indécent. Selon certains commentateurs l’indécence énergétique commencerait au delà d’une consommation annuelle de 700 Kwh/m2 (à confirmer).
L’étiquette G commençant à 450 Kwh/m2, il s’agirait en somme d’une sorte de super catégorie H permettant plus de progressivité dans la « chasse aux gaspis »
Ø 2028 : Obligation d’un DPE de classe E pour tous les logements
Le pragmatisme s’invite néanmoins au débat avec la prise en compte de possibles exceptions ou impossibilités. Ainsi des contraintes techniques, architecturales, ou un coût disproportionné par rapport à la valeur du bien pourraient rendre l’obligation caduque. Là encore les précisons restent à venir.
L’information-incitation : de quoi s’agit-il ?
La fin des passoires thermiques passera donc d’abord par l’information. Une première étape assez logique puisque le constat avait déjà été fait
Ø de la méconnaissance générale des aides à la rénovation ouvertes aux bailleurs (pourtant recensées sur le site d’information FAIRE ).
Ø du manque d’intérêt des bailleurs pour le sujet de la rénovation énergétique, sujet facilement considéré comme accessoire puisque c’est le locataire qui paie,
L’arsenal de mesures d’information et d’incitation adopté par l’Assemblée nationale comprend ainsi :
Ø L’obligation, à partir de 2022, de réalisation d’un audit énergétique en cas de mise en vente ou en location d’une passoire thermique, qui contiendra des propositions de travaux adaptés au logement, ainsi que leur coût estimé.
Ø L’obligation, à partir de 2022, d’informer un acquéreur ou locataire sur ses futures dépenses d’énergie, lors de la vente ou location d’un bien immobilier (dans l’annonce immobilière, et l’acte de vente ou le bail locatif par exemple).
Ø L’obligation à partir de 2028, pour le propriétaire qui souhaite vendre ou louer son bien sans avoir réalisé les travaux nécessaires, de mentionner le non-respect de cette obligation de travaux dans les informations et publicités relatives à la vente ou la location de son logement (dans l’annonce immobilière, et l’acte de vente ou le bail locatif par exemple).
Avec le blog Ma Gestion Locative, restez connecté en permanence à l’actualité juridique et commerciale de la location !