Au centre de vifs échanges depuis plusieurs mois, la loi anti-squat soutenue par la majorité suscite de nombreuses interrogations du côté des associations et dans les rangs de la gauche. Parmi celles-ci, une question en particulier émerge ces derniers jours : si cette nouvelle loi venait à être adoptée, cela signifierait-il des peines d’emprisonnement pour certains locataires mauvais payeurs ?
Un projet de loi qui divise
Dire que la proposition de loi destinée à protéger les logements contre l’occupation illicite suscite le débat est un doux euphémisme. Vivement critiqué par les associations et les élus de gauche, le projet est défendu bec et ongle par Olivier Klein, ministre du Logement, qui a récemment promis que personne n’irait en prison pour ne pas avoir payé son loyer, face à l’inquiétude exprimée par la Fondation abbé Pierre.
D’où vient cette crainte, de plus en plus partagée ? Les opposants à la loi redoutent que les locataires mauvais payeurs soient considérés comme des squatteurs.
En effet, selon les modalités prévues par la loi actuelle, les squatteurs risquent un an de prison assorti de 15 000 euros d’amende. Des sanctions que le projet de loi porté par la majorité veut multiplier par trois. De quoi faire bondir les associations qui considèrent que les locataires qui ne paient pas leur loyer ou le paient en retard pourraient se retrouver en prison, car assimilés à des squatteurs. L’entourage du député LREM d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian, coauteur de la PPL, s’est inscrit en faux, rappelant au passage que « l’objectif de la PPL n’est pas de sanctionner plus durement un locataire s’il ne paie pas son loyer, mais de réduire la durée des procédures d’expulsion. »
Des sanctions excessives pour les locataires mauvais payeurs ?
Dans sa première version, le projet de loi prévoyait une sanction de 6 mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende pour les locataires mauvais payeurs. La sanction, écartée par le Sénat, doit être appliquée, non pas en cas de non-respect du paiement du loyer, mais « en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement de quitter les lieux ». Pour le dire autrement, si le locataire qui ne paie pas n’a pas quitté le logement, comme l’ordonne le juge, il encourt le même type de sanctions que celles auxquelles s’exposent les squatteurs.
En effet, si le mauvais payeur n’est pas un squatteur aux yeux de la loi, étant entré légalement dans le logement, il occupe ce dernier illégalement à la fin de son bail. L’objectif de la PPL est donc de sanctionner ce type de dérive.Selon Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation abbé Pierre, les sanctions envisagées sont excessives : « Jusqu’ici la sanction, c’était l’expulsion (et le paiement de la dette). En faire un délit avec peine de prison est disproportionné ». Face à cette inquiétude, Guillaume Kasbarian se montre rassurant : « la loi ne changera rien pour l’immense majorité des locataires qui paient leur loyer et pour ceux qui ont un accident de parcours ponctuel. » Actuellement examiné au Sénat, le texte fera son retour le mois prochain à l’Assemblée nationale, en seconde lecture.